Retour sur le Contesté franco-brésilien

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En savoir plus : lire le dossier consacré au « Contesté franco-brésilien »,  par l’historien Stéphane Granger.


Les Français s'établissent donc en Guyane en 1615. La zone avait été donnée aux Espagnols par le pape lors du traité de Tordesillas en 1494, mais ceux-ci ne s’y sont pas installés, préférant conquérir le Pérou et le Mexique. Les Portugais, eux, s'étaient fixés dans la zone qui leur avait été attribuée : le Brésil jusqu’à l'est de l'embouchure de l'Amazone, puis avaient créé à l'ouest, dès 1637 la compagnie du Cap Nord (dans l'actuel Amapá). Entre les deux territoires s’étend une zone de 600 km, le long de la mer, peuplée de quelques français (au nord), de portugais (sur la rive gauche de l’Amazone) et de quelques tribus indiennes. Pour les portugais la tentation est grande d’empiéter peu à peu sur ce territoire qui n’appartient à personne. Louis XIV décida alors que l'Amazone devait aussi lui appartenir et un accord ratifié à Lisbonne le 4 mars 1700 fixe le fleuve Amazone comme frontière entre les deux zones de colonisation. Tout est remis en cause en 1713 par le traité d'Utrecht, qui mettait fin à la guerre de succession d'Espagne : « Sa Majesté Très-Chrétienne [Louis XIV] se désiste pour toujours de tous droits et prétentions qu’elle peut et pourra prétendre sur les terres dites du Cap Nord et situées entre la Rivière des Amazones et celle du Japoc ou de Vincent Pinzon afin qu’elles soient désormais possédées par sa Majesté Portugaise, ses hoirs, successeurs et héritiers. »
Mais où situer le fleuve « Japoc » ?


Revenons alors au commencement, du moins à l’année 1492, Christophe Colomb et la découverte de « l’Amérique ». Lors de son premier voyage (1492), il commande la caravelle « Santa Maria ». Les deux autres la « Pinta » et la Nina » sont commandées par les frères Yanez-Pinzon. L’Amérique qui fut découverte, se limita aux îles San Salvador, Cuba et Haïti.
En décembre 1499, Vincente Yanez-Pinzon ne fait plus équipe avec Christophe Colomb, attiré par l’aventure et l’espoir de s’enrichir, il a équipé quatre caravelles et le 20 janvier 1500 il atteint les côtes du Brésil.
Selon la relation qui en est faite, accueilli à coups de flèches, Pinzon se replie prudemment dans une baie à l’embouchure d’une rivière : « Vincente Pinzon mouille avec ses navires à l’entrée d’une rivière dont l’embouchure a plus de trente lieues de largeur, et dont les eaux pénètrent à plus de quarante lieues dans la mer, avant de perdre leur douceur. A l’entrée de cette rivière est un groupe d’îles verdoyantes. Il éprouve à ce mouillage un phénomène de marée des plus curieux et qui met ses navires dans le plus grand péril. Il s’empresse de quitter cet ancrage dangereux et, après avoir rempli ses futailles avec de l’eau douce, il continue sa route et ne cite aucun autre mouillage sur la côte de la Guyane ».
Tout dans cette description, laisse à penser que la rivière découverte correspond à la rivière Amazone : vaste embouchure, présences d’îles verdoyantes, phénomène de marée, eau douce présente à plusieurs dizaines de lieues en mer. Cette embouchure sera dénommée par Pinzon comme la « rivière Pinzon » ou « rivière Japoc ». Or le mot « Japoc » signifie en langue indienne « rivière ». Toute la contestation tient au fait d’identifier par la suite de quelle rivière il s’agit. Pour les brésiliens ce sera tout au nord l’Oyapock (d’autant que la possession du Cap Nord leur était reconnue), pour les français  ce sera l’Amazone ou au moins l'Araguari, un fleuve plus au nord se jetant dans l'estuaire de l'Amazone.


Malgré ce traité défavorable à la France ( le traité d'Utrecht de 1713), tout est remis en question par les traités de Badajoz en 1801, puis d’Amiens en 1802 qui lui restituent le territoire compris jusqu’à l’Amazone. Mais lorsque le régent du Portugal se réfugie au Brésil pour fuir les guerres napoléoniennes, il fait occuper la Guyane de 1809 à 1817.
En 1922 le Brésil obtient son indépendance, et dans l’attente de négociations futures la zone contestée est démilitarisée dans l’attente de futures négociations.
Or la nature ayant horreur du vide, cette zone inoccupée est une aubaine pour les aventuriers, les chercheurs d’or voire les détachements militaires des deux camps, plus ou moins officieux qui, sous couvert d’exploration, installent des campements intermittents et lancent des patrouilles de reconnaissance. C’est à cette époque qu’Henri Coudreau est mandaté pour dresser la carte de cette région et en décrire les possibilités de mise en valeur. C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’épisode fantasque le la république de Counani. République d’opérette, à moins d’y voir une obscure manœuvre visant à implanter un état indépendant… qui aurait demandé son rattachement par la suite à la France.

 

Carte conteste franco-bresilien

 

 

 

 


Mais ce territoire ressemble de plus en plus au Far West et la situation ne se prête pas aux subtilités de la diplomatie secrète.
« En 1895 une milice brésilienne menée par le fameux Cabral fit prisonnier le représentant des Français à Mapá. Un détachement militaire envoyé par le gouverneur de la Guyane Charvein vint alors le délivrer ; le combat fit une quarantaine de morts, dont le chef du détachement français et plusieurs civils brésiliens. Un monument au cimetière de Cayenne rappelle cet épisode qui provoqua une intense émotion en Guyane. Devant le scandale international la France accepta la proposition brésilienne d'un arbitrage suisse  pour régler définitivement le problème du territoire contesté.
Nantis d'une abondante documentation, contrairement aux Français pourtant représentés par le grand géographe Vidal de La Blache, les Brésiliens menés par le diplomate Rio Branco s'efforcèrent de démontrer que le fleuve "Japoc ou Vincent Pinçon " (les français écrivent Pinçon et les brésiliens Pinzon) matérialisant la frontière définie au traité d'Utrecht était bien l'Oyapock et non l'Araguari. Et, en décembre 1900, le Président suisse Walter Hauser attribua au Brésil la quasi-totalité du territoire contesté, qui fut alors incorporé à l'Etat du Pará. Il en fut détaché en 1943 pour constituer avec la rive gauche de l’Amazone. Le Territoire fédéral d'Amapá, qui devint Etat fédéré à part entière en 1988. »  (Stéphane Granger).

 

Dans la ville brésilienne d’Oiapoque, un monument rappelle les clauses de l’arbitrage suisse et une borne près du fleuve indique « Le Brésil commence ici ».
Un pont joint depuis 2010 les deux rives du fleuve Oyapock. Du côté français, la ville de Saint Georges d’Oyapock, du côté brésilien, la ville d’Oiapoque.

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